Quel est l’impact du Brexit sur la filière française des produits de la mer : focus sur les pêcheurs ? (1)
En 2016, suite à un référendum, le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union Européenne. Après des années de négociations, un accord a été finalisé le 24 décembre 2020. Mais quelles en sont les garanties ? Et quels seront les impacts sur la filière des produits de la mer ?
Les pêcheurs : de l’Europe Bleue au Brexit !
A la naissance de l’Europe Bleue en 1983, la première PCP – Politique Commune des Pêches – a été signée par l’ensemble des Etats membres. Tous ces gouvernements se sont alors engagés à mutualiser leurs ZEE- Zones Economiques Exclusives[1] ainsi que les ressources qu’elles contenaient. A l’inverse, les eaux territoriales[2] sont restées sous la gouvernance de leur état. Pour réguler ce nouveau zonage, des réglementations communes comme les TAC[3]/quotas, les mesures techniques pour les engins de pêche ou encore les tailles minimales de captures ont été mises en place afin d’uniformiser les règles.
De façon pratique à partir de cette date, les pêcheurs européens ont pu exercer dans toutes les Zones Economiques Exclusives de l’ensemble des états membres. Pour ne pas pénaliser les pêcheurs qui, avant la mise en place de la PCP, pêchaient dans les eaux côtières d’autres pays, certains gouvernements ont autorisé l’accès aux eaux territoriales en fonction de l’antériorité des captures. Par exemple, les eaux anglaises sont restées en partie ouvertes aux pêcheurs français et inversement.
Pendant des années, les pêcheurs anglais et français ont partagé leurs ressources, leurs espèces et leurs régions. Petit à petit, des tensions, voire des conflits se sont créés et installés entre les flottilles. Maintenant que le Brexit est voté, quel va en être son impact sur cette répartition ?
Les eaux anglaises : un repère d’espèces marines !
Aujourd’hui, plus de 30% de la valeur des captures des pêcheurs français proviennent des eaux anglaises. Des régions comme les Hauts-de-France, la Normandie ou encore la Bretagne sont énormément dépendantes des espaces maritimes du Royaume-Uni. Des espèces comme le maquereau, le hareng, la sole, le merlu ou encore la langoustine sont pêchées régulièrement dans ces régions du monde.
La côte anglaise est l’une des plus riches et des plus diversifiées du continent européen. Les mouvements de migrations pour les adultes et l’impact des courants pour les œufs et les larves sont autant de phénomènes naturels permettant l’accumulation d’espèces dans ces zones. Les côtes françaises, de par leur richesse en nourriture, concentrent des zones de ponte et de nourriceries, on y retrouve donc essentiellement des individus jeunes. A l’inverse, les côtes britanniques concentrent davantage des populations adultes, les espèces marines partant au large en vieillissant.
Quelles nouvelles règles ?
D’ici 2026, les pêcheurs européens devront renoncer à 25% des captures réalisées dans les eaux britanniques : voilà l’accord signé le 24 décembre par l’ensemble des Etats membres. Cet engagement sera révisé à la fin de cette période transitoire pour s’adapter aux mesures qui seront mises en place d’ici là.
Concrètement, les pêcheurs européens se sont engagés à rendre progressivement un quart de leurs quotas pour les espèces pêchées dans les régions britanniques : 60% dès 2021, puis 10% supplémentaire tous les ans jusqu’à 2026. Ce point était l’un des éléments principaux lors des échanges autour du Brexit.
En quittant l’Union Européenne, le Royaume-Uni renonce aussi aux engagements pris avec l’Europe bleue : il récupère donc la gouvernance de sa ZEE et de ses eaux territoriales. Après des échanges complexes, un système de licences pour autoriser les navires européens à pêcher dans ces espaces maritimes a été mis en place. Pour les espèces sous quotas, la répartition restera similaire, pour les autres, des seuils de capture seront fixés en fonction de l’historique des captures. Des autorisations se feront à la fois pour les bateaux français dans les eaux britanniques, mais aussi pour les bateaux britanniques dans les eaux françaises.
Le gouvernement du Royaume-Uni continuera à transmettre ses données scientifiques sur l’évaluation des stocks afin de garantir des analyses précises de la ressource avec les autres états européens. Cet échange permettra d’intégrer dans les avis scientifiques l’impact des pêcheries britanniques sur les stocks partagés. Les propositions de TAC seront fixées conjointement chaque année.
Le BREXIT : la suite…
Après des années de discussions, le Brexit est signé, les propositions validées et les grandes consignes enregistrées, mais depuis début janvier 2021 que s’est-il passé ?
Aujourd’hui, différents problèmes dans la mise en place du Brexit n’ont pas encore de solutions. Les licences sont attribuées au compte-goutte. De nombreux bateaux ne peuvent toujours pas pêcher dans les eaux anglaises dans lesquelles ils vont habituellement. Pour plusieurs raisons, il n’est pas toujours simple de prouver l’historique des captures, ce qui rend la distribution des licences difficiles.
En attendant, cette lenteur administrative et cette perte de 25% entrainent et vont entrainer des problèmes de cohabitation sur certaines régions. En effet, les navires qui n’ont plus accès à leurs zones de pêche habituelles se décalent dans des espaces déjà occupés. La pression de pêche augmente donc dans ces régions et des conflits entre bateaux français apparaissent.
Quelques semaines après la signature officielle, il reste encore de nombreux points à prendre en compte, c’est donc une affaire à suivre…
[1] ZEE : Zones Economiques Exclusives : espaces maritimes pour lesquels les droits d’exploitations sont alloués à l’état rattaché. De façon symbolique, la ZEE est la zone entre les 12 miles et les 200 miles nautiques à partir de la ligne de base mer à la côte.
[2] Eaux territoriales : espaces maritimes entre la ligne de base mer et les 12 miles nautiques.
[3] TAC : les Totaux Admissibles de Captures sont les quantités maximales de poissons d’une espèce pouvant être prélevées sur une zone et une période délimitées.